top of page

Indonésie : entre émerveillements et retenues

Marion & Nicolas


Un des pays les plus pauvres de notre Tour du Monde, l’Indonésie est aussi un pays d’une culture riche et aux influences multiples. Terre volcanique, plus de 17 000 îles occupées par quelques 250 millions d’habitants en fait l’archipel le plus grand et aussi le plus grand pays musulman du Monde. Une biodiversité résiste aux exploitations intenses d’huiles de palme dont les autorités sont favorables au vu des recettes à l’exportation, de sa population consommatrice grandissante et du futur prometteur des agrocarburants.

L’Indonésie divertit tout de même sa production avec le café d’abord et sa position au 4ème rang des producteurs mondiaux, le chocolat, les cannes à sucre, les bananes, les délicieux ananas dépourvus de leur écorce peu avant leur dégustation pour un plaisir immédiat. La noix de coco devient mon péché mignon à 50 centimes le rafraîchissement. Du côté culinaire toujours, on ne se lasserait pas si vite de leur Nasi Goreng (plat à base de riz blanc, choux, œuf et un cocktail de sauces dont la sauce d’huîtres) si on n’en mangeait pas tous les jours. On se lasse beaucoup moins de leurs poissons au barbecue et de leurs pancakes au petit déjeuner loin sans rappeler nos crêpes de chez nous, ça fait plus de 9 mois qu’on est parti. On y goûte aussi des clémentines vertes et de la délicieuse papaye. On y voit des chats à la queue tordue, marquage génétique et probablement endémique à ces pays d’Asie (on en verra aussi en Malaisie).

Pays à forte majorité musulmane, l’hindouiste et bouddhique Bali est notre unique havre de paix en pleine période de Ramadan. Bali est une petite île culturellement si différente des autres où la religion musulmane est minoritaire. Fini pour un temps le brouhaha. Dès notre arrivée sur l’île de Java, on en a eu assez de leurs interminables appels à la prière sur haut-parleurs saturés qui résonnent à force comme d’incessants échos dans nos crânes. Une période festive certes, mais à quel décibel ?

Le 2 roues est le moyen de locomotion le plus utilisé alors on s’y met aussi. Première impression, c’est sport ! Les indonésiens n’aiment décidément pas la marche. Le scooter est prétexte à tout et sa location dérisoire. L’écologie est hors course et ne fait pas partie de leur vocabulaire. Après avoir vu les péruviens se débarrasser de leur déchet plastique dans l’Amazone, j’espérais ne plus revoir de spectacle de ce genre. A croire qu’ils se sont lancés, péruviens et indonésiens, un sale défi. C’est accablant et écœurant mais l’administration s’y désintéresse car dans ce combat il n’y a pas de rentrées d’argent à la clé. L’écologie, c’est un budget qu’ils doivent se dire. A quoi bon, hein ?

Bali encore est une trêve appréciée, elle est propre et accueille moultes cultes à la paix et au bien-être. C’est beau. Nombreux sont les temples de toutes les tailles jusqu’à envahir le peu d’espace extérieur dans la cour de leurs habitations. Chaque matin, le même rituel : les femmes parcourent le jardin où elles s’arrêtent ci et là pour prier tenant au creux de leurs mains des petits paniers d’offrandes qu’elles ont préparés à la main la veille pour le matin suivant, et ainsi de suite chaque jour qui se lève. Ma connaissance de ces religions est limitée mais cette découverte m’inspire l’humilité et le respect. On rencontre par hasard une famille généreuse et arrangeante et on apprécie notre séjour dans leur hôtel en plein cœur de Bali. On pourra reprocher le développement de l’île pour accueillir ce tourisme massif. Combien ne s’aventurent pas en dehors de Bali ? On pourra rire de se faire constamment démarcher dans la rue « Yes Mister, yes massage, yes taxi ? ». On devra se méfier pour ne pas être victime de piège à touristes. Et on se sentira bête après coup à se surprendre encore une fois en train de suspecter une personne finalement honnête qui cherche juste à nous aider. Le paradoxe indonésien, victime de son attraction laissant place à des gens avec le cœur sur la main et les autres, les opportunistes.

On parcourra l’Est de Java jusqu’à Lombok, en passant par Bali. On fera de belles et simples rencontres, on visitera les temples hindous et bouddhiques autour de Jogjakarta, on se perdra en scooter parmi les rizières à verdure flamboyante, on grimpera dans un bus rouillé jusqu’à la moelle pour une journée interminable où on n’osera plus regarder la route et son spectacle infernal. Ça roule n’importe comment, c’est le bordel sur Java, mise en danger constante, ça bouchonne car un bus plus loin est renversé sur le bas-côté. A quand notre tour ? Inutile de céder à la panique, on est là et il n’y rien qu’on puisse faire alors on sourit et on continue de répondre à notre voisin intéressé de savoir d’où on vient. Dans ce bus de la folie, le temps parait démesurément long alors je fais comme les locaux, je m’allume une cigarette et ma gêne occidentale me fait cracher la fumée le plus à l’extérieur. Les autres s’en fichent, et ça fume presque constamment des cigarettes aux clous de girofle. Deux jeunes étudiantes en tourisme nous sourient. Elles veulent juste nous aider et nous servent d’interprètes. Sourires aux lèvres, elles sont contentes de parler anglais avec des inconnus et organisent la suite de notre trajet. La nuit tombe, la circulation est toujours exécrable. On nous fait descendre. Heureusement qu’elles étaient là et nous font monter cette fois-ci dans un transport privé pour nous emmener à destination. On peut voler la moitié de la planète en l’espace d’une journée ou bien faire une centaine de kilomètres dans un bus en Indonésie. Mais comme on pourra lire un jour ‘it’s not about the destination, it’s about the journey’, L’important n’est pas la destination, ce qui compte c’est le voyage lui-même. Et on voit beaucoup plus en prenant notre temps.

On filera à l’Est de Java en passant par l’impressionnant cratère du Volcan Bromo qui crache sans relâche une épaisse fumée de cendres. Ça gronde des antres de la Terre à nous rabaisser au statut modeste d’être humain. Le ciel bleu est coupé en deux et soudainement c’est une pluie de cendres qui va s’abattre sur nous. Impossible d’avancer, on se protège le visage comme pris en otage.

Non loin se visite la réserve de Kawah Ijen, un autre volcan bordé par un lac peut-être le plus acide sur terre. Le soufre émanant du volcan sous forme de vapeur toxique se cristallise sous forme d’une espèce de roche jaune précieuse et prisée par les industriels du monde entier pour ses divers usages. Son extraction est faite par ces hommes courageux qui n’ont autre qu’un bout de foulard pour couvrir leurs nez et bouche quand la fumée devient trop épaisse. Ils travaillent jour et nuit dans des conditions particulièrement difficiles. La nuit ces fumées dévoilent leur étrange flamme de couleur bleue. Un spectacle unique qui a transformé ce site en une véritable attraction pour touristes. On y va avec des masques à gaz et on emprunte les mêmes tracés que les travailleurs de nuit à la conquête de la flamme bleue. Et s’il est facile de fermer les yeux sur les conditions de travail de la personne qui a confectionné ce nouveau pull à l’autre bout de la planète ou sur le coût environnemental de ce pot hebdomadaire de Nutella, je garderai néanmoins un avis perplexe de cette expérience dont j’ai fait partie, celle d’aller découvrir un site encore en exploitation « Voyez ces braves hommes, ce sont les esclaves de notre temps ! ». Le lieu était honteusement beau.

La poursuite du voyage ressemblera beaucoup plus à des vacances à commencer par Bali qu’on visite rapidement avec la prévision d’y retourner avant notre départ. C’était l’idée mais ça se passera autrement. On quitte Bali pour Gili Air. L’une des trois petites îles à taille et forme étrangement égales du Nord-Ouest de Lombok prisées pour leur accessibilité, leur beauté et leurs longues plages de sable fin. On choisit l’île en fonction de notre état d’esprit, chacune des trois îles ayant une ambiance allant du zen au festif. Dans le doute, on prend celle du milieu. Tout est simple, le coût de l’hébergement raisonnable. Une auberge de jeunesse à ciel ouvert avec piscine et cocotiers. La piscine a d’ailleurs une forme de champignons. Et l’un des bars de l’île offre des « tickets to the Moon », à comprendre un cocktail de champignons hallucinogènes. Spécialités régionales. Ils ne savent pas qu’on a les mêmes sur les bouses de nos vaches normandes. L’occasion ne se présente pas alors j’irai sur la Lune un autre jour. En attendant c’est masque et tuba à la découverte des fonds marins. J’opte pour 20 mille lieues sous les mers et j’adore.

Retour sur la « terre ferme », Lombok. Vu le succès de Bali, sa voisine jalouse et se fait construire aussi un aéroport international en prévision du développement touristique en cours. On est de retour sur terres musulmanes et le ramadan a toujours lieu. Changement de décor. On y rencontre un ami suisse, Laurent, qui a décidé de vivre en Indonésie. Fraîchement papa, il jongle entre ses nouvelles responsabilités, sa passion pour le surf et son rêve de construire un hôtel. Il nous confie les difficultés « administratives » et plus concrètement le niveau de corruptions des fonctionnaires. Heureusement il parle indonésien mais la tâche est dure et on va nous-même en faire l’expérience sous peu. Lombok offre plusieurs attractions de choix : l’ascension du volcan Rinjani au nord, des cascades d’eau au centre de l’île et des plages de surf de renom international au sud. On visitera les trois. Avec Cédric, un ami de Marion qui voyage depuis 2 ans et demi et retrouvé en cours de route, on partira à la conquête du volcan Rinjani.

A partir de là, nos jours en Indonésie sont comptés et on en aura même pas eu conscience. La date d’expiration de notre visa d’un mois approche et on n’est pas prévenu des 9 jours consécutifs de fermeture du bureau d’immigration. Impossible de renouveler notre visa à temps. Ce qu’on désirait arrive enfin : la fin du Ramadan. Mais on n’avait pas imaginé la suite : congé annuel et une île au ralenti. On laisse Cédric reprendre la route du voyage avec l'espoir de le rattraper en chemin. On ne se reverra finalement pas. Flou artistique complet, même notre chère ambassade française ne se mouille pas dans notre embourbement avec les autorités indonésiennes mais s’intéresse tout de même à notre sort pour ses statistiques. On nous dit qu’on pourra toujours trouver une solution en Indonésie. Traduction : il faudra payer des pénalités de retard sur ou sous la table, on ne sait plus trop, pour rester au-delà du terme de notre visa. Puisque on n’aura pas le choix, on paiera qu’on se dit. Effectivement on paiera et cher. A la réouverture du bureau d’immigration quelques jours plus tard, on nous confirme notre situation irrégulière et on nous met gentiment à la porte. Impossible de se faire entendre. Il nous faudra moins de 24 heures pour quitter l’Indonésie avec un léger goût d’amertume. Soit, la Malaisie sera finalement la dernière destination de ce voyage.



RECENT POSTS:
SEARCH BY TAGS:
No tags yet.
bottom of page